Les copains d'Alain

Dans le but de sensibiliser l'opinion et les pouvoirs publics à notre situation et à celle de tous les autistes oubliés de notre société, nous sommes partit le 30 mars 2000 pour nous rendre à pied jusque sur la place de l'Hôtel de Ville à Paris le 24 mai pour assister aux manifestations prévues pour les prochaines journées nationales de l'autisme.

Dimanche 30 mars - Cize / Crotenay : 14 km


Belle fût la fête de notre départ !

Journée de tendre amitié qui bien sûr, ne s'est pas tout à fait déroulée comme prévu :

Les animations de l'après midi étant prêtes depuis la veille, j'avais pensé consacrer la matinée à défaire nos literies, fermer notre maison..., et une tranche de rôti froid devait suffire à notre déjeuner.

Mais l'équipe de France 3 est arrivée vers10 heures au lieu de 14, les musiciens vers 12 h… et nous avons partagé un plat de spaghettis bolognaises au soleil dans notre cour avec 14 personnes ! ! 


L'après midi fût exactement ce que je souhaitais qu'il soit…

La commune de Cize a assuré, en offrant chaleureusement le verre de l'amitié et de la solidarité, ainsi que son soutien à nos actions.

Une cinquantaine de personnes, famille, amis, voisins étaient là pour nous dire, par leur affectueuse présence, que nous ne serons pas tout à fait seuls sur les chemins de halage…

Et 9 familles sont venues témoigner que notre démarche est porteuse du cri de détresse de tous les autistes oubliés de notre société 


Les "Gratteurs du Bief" ont ravi Alain en interprétant les chansons de Georges Brassens, dont il est fan et dont il connaît par cœur tout le répertoire et en digne Zébulon de service, il a pu sautiller sa joie…

Les "Jam Down" nous ont offert de l'excellent reggae et j'ai dansé pour un tendre Pinocchio…


Et puis, le bonheur de présenter notre livre !


Et même Dame Nature a tenu à saluer notre départ printanier par un superbe orage de grêle, qui n'a pas arrêté les pèlerins que nous sommes déjà, mais a découragé ceux qui avaient prévu de nous accompagner quelques km !

Seule Laetitia fût brave et nous a suivit jusqu'à notre première étape à Crotenay.


Douce soirée et bonne nuit chez Eric, nos amis de l'école de Cirque et retour chez nous le lendemain pour ranger la maison, qui ne pouvait décemment attendre 2 mois ainsi…

Merci à la famille et aux amis qui, après notre départ ont démonté l'expo et nettoyé le préau et la cour de l'école primaire de Cize que la mairie avait mis à notre disposition pour l'occasion.

 

Mardi 1 avril - Crotenay / Vallempouillères : 12 km


Balade tranquille par une saine et vivifiante bise, mais bienheureux tout de même de savoir que chez Brigitte et Hervé, un bon bol de soupe et un bon édredon nous attendent !

Mercredi 2 avril - Vallempouillères / l'Écluse n° 7 de Viranne : van + 5 km


Alphonse, Rabba et Maxou sont passés nous prendre avec un van et nous proposer de nous économiser 3 jours de marche au bord d'une route goudronnée et donc sans intérêt pour nous comme pour l'âne…

A chaque départ, c'est toujours le même problème, il n'y a ni sentier fiable, ni GR pour nous amener jusqu'au canal !

 

Casse croûte tous ensemble au pied d'une magnifique épave de bateau qui nous abrite du vent !

Giboulée de neige, de grêle, de pluie et bise + + +

Et quelques kms plus loin, une maison éclusière abandonnée et à l'arrière un garage ouvert qui devrait nous protéger de ce satané vent glacial.

Jeudi 3 avril - l'Écluse n° 7 de Viranne / l'Écluse n° 61 des Grandes Ouches : 20 Km


On est bien !

On a retrouvé l'ambiance du canal que nous aimons tant, le silence, les canards, l'apaisant de la présence de l'eau, …

Alain est super souriant!

Même si ce n'est pas magique, c'est toujours en rando qu'il est le plus serein. Et toute la journée, je l'entendrais chantonner à 20 m derrière moi : "Allez à Paris à pied !''


Mais la trouée du canal est un véritable autoroute tracé à la gloire d'Eole, où dans la plaine bourguignonne le Dieu du Vent ne rencontre que bien peu d'obstacles !

Nous portons chacun un tee-shirt à manches longues en coton, un polo à col roulé en laine, notre plus gros pull, une surchemise doublée, un gilet en laine polaire et une écharpe.

Et point n'est trop !

Mais entasser plus d'épaisseur ne ferait que nous gêner dans nos mouvements sans pour autant empêcher la bise de s'engouffrer et nous geler jusqu'à la moelle des os.

Alors, nous nous écartons du canal pour trouver refuge derrière le mur d'enceinte du parc d'un château.

Vendredi 4 avril - l'Écluse n° 61 des Grandes Ouches / Dijon : 5 km


Les propriétaires sympas offrent un vrai café à Alain et à moi, un verre de jus de pommes de leur fabrication.

 

 

Du coup, nous ne décollons que tard dans la matinée, mais la gelée blanche qui recouvre toute la végétation du parc ce matin m'a décidée à rester au chaud dans la tente jusqu'à ce que l'astre du jour ait rempli son office et rendu la nature plus accueillante…

De toute façon, nous avons tout notre temps, nous nous offrons un week-end d'école buissonnière et Jumbo est attendu au centre équestre de l'Écuyer de Bourgogne.


Le gag, c'est que cette fin de semaine, ils organisent un concours national de saut 1ère catégorie et qu'ils reçoivent 300 chevaux... + un âne !

Malgré le monde, nous sommes reçus comme tout pèlerin rêverait de l'être : Jumbo a un enclos avec herbe, foin, eau et pierre à sel et nous un coin fermé à clef pour entreposer nos affaires et nous rafraîchir.

Ensuite, week end privé ! Mais non chômé !


Notre livre est enfin publié et il devait arriver dans la semaine précédent notre départ. J'avais prévu de consacrer une journée à rédiger les dédicaces pour les exemplaires destinés aux personnes qui ont souscrit, mais imprimé en Italie, il a hérité de la notion du temps toute méditerranéenne… et est arrivé la veille de notre départ vers 17 h !

Comme j'avais annoncé sa parution, je ne voulais pas faire attendre les personnes qui l'ont commandé depuis 1 an et demi. Donc, 150 dédicaces et envois !

Lundi 7 avril - Dijon / l'Écluse n° 47 de Crucifix : 11 km


Redémarrage en super forme après un excellent week-end pour toute l'équipée…

Traversée de Dijon sans difficulté grâce au canal qui contourne le centre ville et arrivé au lac Kir où nous traînerions volontiers après notre pause casse croûte, mais la bise est trop forte et surtout trop froide ! ! !

Le printemps explose pourtant dans chaque brin d'herbe et au bout de chaque bourgeon… que Jumbo déguste allègrement.

J'avais craint qu'en partant si tôt dans la saison, il ne trouve pas assez de pitance sur le bord du chemin, mais nous sommes nettement descendus en altitude et l'herbe pointe suffisamment le bout de son nez pour que notre glouton se repaisse.

Nous nous installons dans un pré clos près d'une écluse et le froid nous impose de manger dans la tente, alors que nous aurions volontiers pique-niqué au bord de la petite rivière de l'Ouche que nous suivons depuis Dijon et qui a un charme fou…

Mardi 8 avril - l'Écluse n° 47 du Crucifix / l'Écluse n°31 de Barbirey : 18 km


La nuit fût plus que fraîche et je me suis relevée vers 3 heures pour nous couvrir de nos couvertures de survie en plus de nos sacs à viande polaires, nos sacs de couchage et chacun une des couvertures de l'armée qui servent de tapis à Jumbo la journée sous son bât.


L'eau de nos gourdes n'est qu'un glaçon ce matin et je m'aperçois que j'ai sous estimé la réserve de cartouches de gaz de notre réchaud... en plus de lutter contre la bise, il faut réchauffer la glace !


Nous ne ferons pas de toilette et nous contentons de nous laver avec les lingettes… de toutes façons, on ne transpire pas ! ! !


Le chemin est superbe et nous croisons souvent de très beaux viaducs et ponts de pierres,

mais le canal est actuellement en travaux et a donc un p'tit air d'abandon.

Mercredi 9 avril - l'Écluse n° 31 de Barbirey / l'Écluse n°21 de Vandenesse : 21 km


Florence qui habite l'écluse nous apporte gentiment 2 tranches de tarte aux prunes pour le p'tit déj, mais cette charogne de Jumbo me vole la mienne pendant que je suis occupée à remballer notre matériel !

 

Cette randonnée ne ressemble pas du tout aux précédentes, la nature est encore toute nue et s'offre à nous faire découvrir toute son intimité…


Mais c'est notre rythme qui change le plus, d'habitude, nous nous efforçons de décoller le plus tôt possible avant la chaleur du zénith et passons les heures les plus chaudes à faire la sieste à la fraîcheur des ombrages après débâtage.

Cette fois ci, nous attendons le soleil que nous redoutions avant et nous ne faisons qu'une rapide pause à midi pour nous arrêter avant la froidure…

A midi, nous nous posons à côté des restes d'un feu de camps et je dois surveiller de prêt notre bourricot qui meurt d'envie de prendre un bain de cendre… et se fiche pas mal d'être bâté !

Jeudi 10 avril - l'Écluse n°21 / La Ferme de St Georges : 0 km


J'ai pris l'habitude d'accrocher nos couvertures de survie sur la tente avec des épingles à linge pour tenter de la jouer isolation de fortune, mais malgré tout j'avais eu l'impression que la luminosité était forte ce matin en me réveillant… flash à l'ouverture de la tente : 5 cm de neige ! ! !

 

Grosse giboulée de printemps, neige bien lourde au point que l'arceau de la tente à plié sous le poids…Tout est mouillé !

S.O.S lancé à Catherine et Lionel chez qui nous avions prévu une halte ce week-end et en un tour de main tout est humidement plié et chargé dans leur van.


Une fois le matériel mis à l'abri, nous nous posons quelques jours :

- Jumbo boite d'un postérieur, peut-être le froid ou s'est-il tordu le pied pendant la nuit en tout cas, il trottinait encore parfaitement hier.

Rien de grave, mais comme en plus il s'est râpé la peau des fesses contre la barre de reculement dans le van, lui aussi apprécie les journées de repos au pré vers ses copains équins et les nuits dans la douceur du box.


- Pour ma part, j'ai pris froid (vomissements, diarrhées et maux de tête).


A chaque randonnée, je me fais la promesse de me reposer avant la prochaine… Et chaque nouvelle me trouve plus fatiguée encore !

Si je n'ai aucun doute sur la raison d'être de cette rando, en cette année européenne de la personne handicapée, qui doit nous mener place de l'Hôtel de Ville à Paris pour assister aux animations des prochaines journées de l'autisme les 24 et 25 mai.


Si je crois utile d'aller témoigner de notre situation et de celle de tous les autistes de chez nous auprès des décideurs de la Capitale.


Si je me veux porteuse de notre projet de ferme pédagogique dans le Jura.


Si nous sommes gonflés à bloc par le soutien de nos amis et les tendres pensées d'un adorable crustacé !


J'avoue bien volontiers avoir la crainte d'avoir présumé de mes forces,

Et cette dé-marche me fait un peu peur,

D'où mes cafouillages de démarrage…

D'où mon besoin de me poser,

Mais, je ne veux pas non plus me coller de pression trop lourde à porter.

Je n'ai comme défi que d'assurer notre bien être à tous les 3 et vu la température actuelle, c'est déjà pas mal !

Et comme seul défi que de tenter…

Et dans tout ça, le fiston est de loin celui de nous 3 qui va le mieux et assure le plus !!!


Il ne se plaint de rien, ni du froid, ni du confort limite de la tente, il est calme, souriant, détendu et même souvent joyeux.


Si la motivation première de cette randonnée, c'est de lui offrir, à défaut de place adaptée, un projet qu'il puisse s'approprier et qui lui serve de support de vie…

Il n'est pas passé à côté ! ! !

Lundi 14 avril - La Ferme de St Georges / l'Écluse n° 60 de Benoisey : 11 kms


Et c'est reparti... après 3 bien agréables journées de pause !


Lionel a chargé notre équipement dans son véhicule pour le déposer au bord du canal et c'est retapés, reposés et légers que nous reprenons la route vers 14 heures après le départ de mon cher et tendre...


Alain qui s'est sentie très à l'aise chez nos amis et a pleinement profité de la gentillesse de leur accueil, repart de bon coeur pour :

" Aller à Paris à pied ! Aller à Paris à pied ! "


Jumbo, que j'ai préféré ne pas charger en cette journée de redémarrage pour pouvoir surveiller sa patte qui boitait à notre arrivée, me rassure rapidement, il a une pêche olympique et trottine sa joie de repartir découvrir d'autres horizons et surtout, d'autres spécialités végétales...


Nous nous posons vers 18 heures dans le jardin de l'écluse de Benoisey en attendant le retour des habitants du lieu.

Et pendant que j'installe notre tente Alain me réclame :

" Des croques monsieur pour ce soir ! Des croques monsieur pour ce soir ! "

Désolée fiston, mais si nos sacoches sont pleines des provisions que nous avons faites avec Catherine... point d'ingrédient pour croques monsieur !


Mais c'est là que la fidèle Providence nous lance son premier clin d'oeil : Anne Sylvie rentre avec ses enfants et nous propose de partager leur repas du soir en s'excusant de n'avoir pas le temps de cuisiner autre chose que... des croques monsieur ! ! !


Agréable soirée, papotages pour moi et découpages pour Alain.

Mardi 15 avril - l'Écluse n° 60 de Benoisey / aisy : 19 kms


Premier matin de douce température !


Comme il est bon de ne plus être recroquevillés de froid, d'accueillir les tendres rayons de soleil en buvant son p'tit dèj...

Anne Sylvie a gardé nos affaires et nous les apportera ce soir et c'est donc une bien légère et agréable journée de balade le long du canal qui reprend vie avec les premiers saluts et photos des premières mini-péniches de la saison


Sandwich et café à la terrasse d'un bistrot à Montbard à l'heure du déjeuner et nous serions de parfaits touristes si Jumbo ne bramait son abandon au poteau du parking où je l'ai attaché !

Passage aux forges de Buffon et superbes paysages en ce très beau coin de Bourgogne.


Nous nous installons entre le canal et la rivière de l'Armançon et nous couchons après une très belle soirée de pleine lune.

Mercredi 16 avril - Aisy / Ancy le franc : 17 kms


La lune fût forte cette nuit, trop forte pour nous permettre de dormir et Alain qui habituellement s'écroule de sommeil sitôt couché, passera la nuit à : " C'est quand qu'il fait nuit ? C'est quand qu'on éteint ? "

Mais si Dame Nature nous offre généreusement son hospitalité, elle n'a pas prévu d'interrupteur pour son astre de nuit !

Si de nombreuses études ont démontré l'influence de la lune sur le comportement humain, je ne sais s'il en a été réalisé sur le comportement des ânes ?

Si ce matin, le manque de sommeil me rend pour le moins vaseuse, Jumbo est lui tout énervé et au moment du bâtage, il me donne un coup de pied que je reçois sur le genou droit ! ! !

Mes "Aie ! Aie ! Aie !" doivent encore résonner dans ce pourtant bien tranquille p'tit coin de campagne et les beaucoup moins académiques jurons que je sers à notre maudit bourricot... ont fait taire tous les moineaux du quartier !

Je sais qu'il ne m'a pas visé et que si j'ai reçu ce coup c'est que la fatigue m'a fait perdre ma vigilance et que j'étais mal placée, mais Jumbo s'est quand même prit une super raclée pour lui rappeler qu'on ne bote pas, même de mouches, en présence d'humains à ses côtés.

Et je prends cet incident comme une bonne leçon : notre âne a beau être un merveilleux nounours et un fidèle compagnon, il n'en reste pas moins une bête de 350 kg dont on ne maîtrisera jamais totalement les réactions !


Les premiers kilomètres sont pénibles... J'ai mal ! ! !

Mais je compte sur la marche pour résorber mon hématome et ne veux pas laisser mon articulation se refroidir.

Il fait très chaud et la crème solaire a reprit du service sur nos fragiles peaux de blonds.


 

La chaleur est toujours plus difficile à supporter que le froid pour Alain et après une nuit presque blanche, il a mal à la tête toute la journée.

Jeudi 17 avril - Ancy le Franc / l'Écluse n° 87 de Argentenay : 14 kms


Nuit réparatrice pour tout l'équipage :


- Les granules d'arnica + le bandage avec de la crème Arnican ont fait leur effet, si le levé est difficile, je suis apte à redémarrer !


- Alain n'a plus mal à la tête.


- Jumbo ne permet pas à un seul de ses poils de broncher pendant le bâtage...


Paisible journée dans l'éclatement du soleil dans le ciel et dans les champs de colza en fleurs sur la terre.


Nuit de nouveau au bord de l'Armançon en face du moulin d'Ancy le Libre où une très belle cascade nous offre un cadre des plus bucoliques.

Vendredi 18 avril - l'Écluse n°87 de Argentenay / l'Écluse n° 93 de Arthe : 12 kms


On marche de bon coeur... veille de week-end Pâscal que nous avons prévus de partager... chez nous... avec ceux que l'on aime !


De très gentils céréaliers acceptent de prendre soin de Jumbo et de garder notre matériel en notre absence et notre porte faix se retrouve dans une pâture en compagnie de Princesse, une vieille ponette.


Alphonse a la gentillesse de venir nous chercher malgré une journée rouge de circulation.

Et nous pouvons aller faire nos Pâques !

 

 

Mercredi 23 avril - l'Écluse n° 93 de Arthe / l'Écluse n° 100 de Flogny : 18 kms


Yves, mon ami nous a reconduit hier après midi à la ferme et nous avons dormis sous la tente aux bords du canal en laissant Jumbo passer une dernière nuit avec la ponette.


Il sait que, même si j'ai parfois l'air de l'abandonner, c'est toujours dans des endroits où il trouvera, en plus du repos, tout le confort qu'il peut souhaiter. Mais je ne lui avais encore jamais fais la farce de revenir et de m'éloigner ensuite sans l'emmener... et dans la fête qu'il me fait le lendemain matin, je sens qu'il s'inquiétait, et il ne se prive pas de vivre pleinement son soulagement en retrouvant les cabrioles de son enfance et en jouant à se sauver dès que nous l'approchons.


Ok, on s'est offert un week end, on peut lui offrir une récréation...


Alain est rayonnant !

 

Je ne lui ai parlé de mon projet de rentrer passer les fêtes de Pâques chez nous qu'au dernier moment... et j'ai bien fais ! ! ! La gestion des émotions reste problématique pour lui, dans la peine comme dans le bonheur...

Si le premier soir, la fatigue l'a conduit au lit très tôt, le lendemain, il m'a scotché... toute la journée.


Mais, la pression a pu retomber et notre pause se déroulée joyeusement.


Alors, tous les 3 nous reprenons notre chemin gaillardement sous le soleil et dans un cadre à l'unisson de notre bien être...

Un journaliste de l'Yonne Républicaine vient nous retrouver au bord du canal.

Nuit dans le jardin d'une écluse après une soirée tranquille où Alain et moi sommes encore dans la joie de notre week end.

Jeudi 24 avril – l’Écluse n° 100 de Flogny / Brienon : 19 kms


Les kilomètres défilent en douceur sous nos pieds au rythme du canal, nous nous sentons en vacances...


Nous nous arrêtons à volonté pour faire des pauses papotages avec les personnes croisées, collations, boissons, pipi ou crème solaire...


Un arrêt prolongé à midi dans un coin de toute beauté ou une tendre herbe et un frais bosquet nous accueillent et nous rafraîchissent.

Une journaliste de France Bleue vient enregistrer notre témoignage... et les braiments de Jumbo et j'avoue ne pas être très cool avec lui pour obtenir un échantillon de vocalises version asine : je l'attache à un arbre et je n'ai plus qu'à faire semblant de m'éloigner et lui de chanter en gospel sa désespérance... Réussit !

Un pré en recul du canal, il explose de fleurs de printemps et un lièvre nous y accueille...

il sera notre lieu de villégiature pour ce soir !


Nous nous endormons tout épatés d'avoir autant marcher sans nous en rendre compte et Alain en répétant dans un magnifique sourire de contentement :

" On a bien marché ! On a bien marché ! "

Vendredi 25 avril - Brienon / Les Champs Blancs : 27 kms


Adieu au canal de Bourgogne !


Long de 242 kms, il comporte 189 écluses.

C'est le 28 décembre 1832 que le premier bateau traversa le bief de partage, concrétisant ainsi un projet envisagé 3 siècles plus tôt. Mais l'intention de relier l'Océan à la Méditerranée par la Bourgogne remonte au XVI siècle sous le règne de François 1er et il faut attendre 1822 pour que le canal soit achevé. Sa construction aura duré 57 ans et il faudra encore 11 ans pour édifier les 5 réservoirs qui assurent son alimentation.

Jadis florissante, la navigation commerciale a aujourd'hui pratiquement disparu pour faire place à la navigation de plaisance.

Adieu donc à ce canal, que nous avons bien apprécié, même s'il est loin de rivaliser avec notre chouchou de canal du Berry ou notre bien aimé canal de Nantes à Brest...

Adieu donc et pour l'heure, sans regret... nous le quittons par une terrible ligne droite de 7 kms de chemin blanc sans ombre... interminable !!!

Alain ne s'est pas défait de sa bonne humeur malgré la chaleur et lorsque je lui demande s'il préfère que l'on se pose tranquille ou s'il se sent le courage de faire une grosse journée de marche pour être ce soir à l'établissement où nous sommes attendu pour le week end :

"Du courage pour marcher ! Du courage pour marcher ! "


Et du courage il en a le fils...

Souvent je me retourne et au fil des kms et de la fatigue, j'observe sa jambe s'appesantir et accrocher plus fort le sol.


Je suis, une fois encore, émue jusqu'au fond du coeur par la force de vie qui l'habite...

Bonjour l'Yonne !


Je sais par le guide Vagnon de tourisme fluvial qui nous sert de carte pour nos balades le long des canaux, que nous avons " mangés notre pain blanc " et que le plus dur reste à faire...


Finit le club Méd de la rando avec ses chemins de halage qui offre le luxe de se laisser porter par le fil de l'eau sans se soucier de son chemin.

Bonjour les cartes et les sentiers aléatoires !

Mais pour ce soir, nous arrivons fourbus, mais heureux : "Dormir à l'établissement ! Manger à l'établissement !"


Je crois deviner la valeur pour Alain de cette invitation, pour lui qui n'a plus de prise en charge depuis maintenant 2 ans et 4 mois...

" Les Champs Blancs " est un établissement pour autistes adultes qui vient d'être ouvert par l'association Sésame Autiste 89.

Ils ont été informés de notre passage par la Fondation France Télécom qui oeuvre pour une meilleure connaissance et prise en charge de l'autisme et qui nous soutien cordialement que ce soit au sein de son équipe de Besançon ou ici.


Nous sommes chaleureusement accueillis par le directeur de l'établissement, le président de Sésame Autisme 89 vient nous saluer dès samedi matin et le responsable de la Fondation France Télécom, dimanche matin.


Nous avons étudié le chemin qu'il reste à parcourir et le constat est unanime : il ne sera pas possible de remonter la Seine, qui ne possède plus de chemins de halage, en sécurité avec l'âne...


Et l'arrivée place de l'Hôtel de Ville d'un âne bâté fait peur aux organisateurs... et bouleverse peut-être leur programme ? !


Sans doute le laisserons nous à Melun pour achever notre périple seuls ? !

Alain a instantanément retrouvé ses repères de résidant et s'intègre sans problème dans le groupe qui nous reçoit.


Quand à moi, je suis heureuse de pouvoir retrouver une ambiance de travail d’éduc’ qui me manque tant et je sympathise de bon coeur avec l'équipe.

Lundi 28 avril - Les Champs blancs / l'Écluse n° 5 d'Armeau : 17 kms


Matinée tranquille à traverser Joigny où plusieurs passants nous reconnaissent et nous saluent après l'article parut dans l'Yonne Républicaine et la diffusion de l'émission de France Bleue.


Agréable après midi de marche en compagnie d'André, retraité de la Poste et de France Télécom qui a souhaité soutenir notre dé-marche en nous accompagnant quelques heures sur les chemins de halage.


Pause auprès d'une écluse où, après un rejet dû à la crainte d'être 'une fois de plus volé', les éclusiers nous apportent à la tente, l'apéro et la chaleur de leur compagnie.

Et puis, terrible nuit...


Tout d'abord un orage dont la fureur, après 6 semaines sans qu'une goutte d'eau ne tombe du ciel, me tient éveillée dans la peur par la conscience du dérisoire de notre abri face aux forces naturelles déchaînées...


Mais, plus terrible encore le coup de téléphone de notre amie Stéphanie qui nous annonce le décès subit d'Eric ! ! !

Eric, l'ami chez qui nous avons passé notre première nuit de rando...


Eric, responsable et créateur de l'école de cirque de Crotenay où nous allons tous les mardis soir.


Où Alain a commencé par éprouver le besoin d'emmener son p'tit sac à dos et se contenter de faire du découpage et du dessin pendant les premières séances. Mais peu à peu, il s'est laissé apprivoiser par la chaleur de l'accueil et peut maintenant se risque à venir sautiller avec nous au cours des échauffements ou même oser se balancer avec le trapèze.


Eric, qui malgré des journées de labeur, n'a pas hésité à prendre le temps, qu'il n'avait pas, pour venir refaire l'électricité de notre p'tite maison...


Nuit d'angoisse et terrible besoin de rentrer... de nous sentir en sécurité chez nous... d'aller serrer nos amis très fort contre notre coeur...


Nous n'avons pas dormi et comme toujours lorsque je suis mal, Alain est plus mal encore...

Et cette infernale nuit se passera dans les :"Il est pas mort Eric ! Il est pas mort Eric !"


Lionel m'avait donné l'adresse d'une amie qui élève des chevaux dans le coin et le deuxième S.O.S. de la rando est lancé...


Jumbo restera à la ferme de Virginie et Christian quelques jours et nous rentrons en train partager la peine du deuil avec la famille et les amis d'Eric.

Mardi 6 mai – Egriselles Le Bocage


Nous avons reprit le train lundi jusqu’à Sens et nous comptions reprendre la route mardi matin, mais il pleut, il fait froid et je me prends le contre coup de cette difficile semaine, je me sens vidée et angoissée… alors nous restons en chaleureuse compagnie.


Jumbo passe sa journée en liberté dans la cour de la ferme entre tendre pâture et visites aux nombreux animaux : chevaux, ânes, chèvres, moutons, cochons, volailles. Tout ce p’tit monde vie en bonne harmonie et l’accueil est tout aussi sympathique que leurs maîtres !

Alain ressent aussi l’harmonie des lieux et se pose également volontiers.

Il ne parle pas d’Eric, mais des autres amis et membres de la famille ou animaux que nous avons perdu…Contrairement à moi qui ai besoin de mots tout de suite pour tout ce que je ressens, il lui faut un long temps de maturation et de là souvent la difficulté à faire un lien entre ses propos et le présent…


Nous écoutons tous ensemble l’interview qui a été enregistrée par Europe 1 pour une émission sur l’autisme, vendredi matin à 11 heures 30, alors que la cérémonie d’adieu à Eric a eu lieu à 10 heures.

Je ne me souvenais même plus de ce que j’avais dis, mais comme pour tous les parents qui sont intervenus, notre combat est si fortement incrusté dans nos cœurs et nos esprits… que nous n’avons pas même besoin d’être concentré pour que les mots nous viennent ! ! !

Et puis, joli clin d’œil, la personne qui a parlé avant moi est un ami, Rémy de l’association Cirrus qui fait partie de notre Collectif pour les Autistes en Franche Comté… Nous avons le même but et ensemble, nous finirons par le créer ce lieu de vie adapté dont nous avons tant besoin pour nos enfants !

Mercredi 7 mai – Sens / l’Écluse n° 13 de Vinneuf : 20 kms


Christian nous dépose à la sortie de Sens et nous cheminons toute la journée sur le chemin de halage le long de l’Yonne dont les berges sont magnifiques, un ruisseau s’écoule à ses côtés et abrite de superbes lys d’eau.

Je suis surprise que la végétation ait profité à ce point de notre absence pour éclore dans chaque bourgeon, mais ne peux que m’en réjouir, l’ombre est plus que la bienvenue en ce temps hyper lourd…

 

Nous demandons l’autorisation de planter notre tente aux abords d’une écluse et puisque l’accueil est chaleureux, je m’enhardie à demander une grange ou un garage de peur de revivre une nuit d’orage…

Et là, merveilleuse surprise, une cabane en bois qui aurait pu dignement figurer dans Le feuilleton qui symbolise mon idéal de vie : " La petite maison dans la prairie " ! ! !


Un p’tit coup de propre est quand même nécessaire, mais avec le secours d’un balai et notre bâche plastique…nous sommes super bien et avons des croque-monsieur au menu, alors Alain s’endort après m’avoir serré la main de fierté :

"On est des chefs ! On a bien marché !"


Et je peux contempler, paisible, le coucher de soleil sur la berge jusqu’à ce que l’humidité m’invite à rejoindre mon sac de couchage …

Jeudi 8 mai – l’Écluse n° 13 de Vinneuf / Montereau : 15 kms

Les propriétaires sont hyper gentils et nous invitent à prendre le p’tit déj. avec pains au chocolat fabrication maison.

La dame à perdu une jambe dans un accident et Alain est complètement fasciné par sa canne et aussi touché que moi par leur gentillesse…

Nous marchons dans un cadre enchanteur et profitons pleinement de notre dernière journée au bord de l’Yonne et de la compagnie de nombreuses familles de cygne.

Christian revient nous chercher en fin d’après midi, nous devons nous rendre à Dijon demain pour parler de notre livre dans le " 12/14 " de France 3.

Vendredi 9 mai – Dijon


Alain se lève : "De bonne heure et de bonne humeur !", il aime tellement prendre le train et il est ravi d’aller à la T.V.

Toute l’équipe nous accueille chaleureusement et j’apprécie que le directeur de programme souhaite me rencontrer avant de décider ou non de la présence d’Alain sur le plateau.


Pour moi, elle est évidente parce qu’il en a très envie ; légitime du fait qu’il est co-auteur de notre livre ; mais plus encore préférable, en plus du stress de passer en direct, je ne me sens pas d’être inquiète de ce qu’il fait ou devoir gérer une arrivée impromptue sur le plateau…

Mais, c’est tout à leur honneur de s’être interrogée sur l’utilisation de l’image d’une personne handicapée, sur le risque de la récupérer comme faire valoir d’un sujet.

Et Alain, une fois encore, nous montre que nous avons raison de lui faire confiance, il est heureux, souriant et assure grave toute l’émission…

En tout cas, plus détendu que moi !

 

Retour en train et visionnage de l’émission :

- Alain est super photogénique !

- Moi, pas du tout !

Mais, au-delà du flatter ou non mon ego, on sent que le présentateur à lu notre livre et qu’il est sincère lorsqu’il conseille de le lire…

Mission accomplie !

Et nous fêtons notre satisfaction par un chaleureux p’tit souper avec Virginie et Christian…

Dimanche 10 mai - Montereau / St Mammès : env. 15 kms ?


Nous n'avons plus les repères kilométriques des chemins de halage et donc une estimation très approximative des distances que nous parcourons maintenant, puisque je n'ai pas emporté notre podomètre…


Christian nous dépose après Montereau et j'avoue avoir un peu de mal à redémarrer, cette rando ne ressemble tellement pas à celles que nous avons faites jusqu'à maintenant.

Elle est tellement décousue et de savoir que notre noble porteur n'est pas le bienvenu à la Capitale… me coupe un peu les jambes et le cœur !


Nous empruntons la Route des Moulins en suivant un chouette de p'tit ruisseau, de magnifiques propriétés le bordent où s'ébattent des chevaux et une ânesse qui aurait bien conté fleurette, et plus, même si pas affinité, à Jumbo, mais lui, très professionnel (et castré) ne se laisse pas détourné de sa mission et nous suit fidèlement…


Ensuite, retour un peu brutal à la civilisation, La Selle Sur Seine, une énorme fête foraine avec brocante et marché aux fleurs…


Contrairement à mes appréhensions, Jumbo ne bouge pas même une oreille en passant devant les stands de tirs à la carabine et accepte de bon cœur de se faire assaillir par la troupe de marmots qu'il attire irrésistiblement !


Alain, par contre se sent très mal au milieu du bruit et de la foule, alors que je ne suis pas suffisamment disponible pour le rassurer, devant gérer la sécurité des badauds inconscients qui laissent leurs bambins s'enfiler entre les jambes de l'âne…


Je préfère rebrousser chemin et nous devons suivre péniblement une route très fréquentée jusqu'à un accès au bord de la Seine.

Nous sommes heureux de retrouver la paix des rives et de rencontrer le fleuve parisien sur les quelques kilomètres de chemins de halage qu'il reste jusqu'au pont de St Mammès.

Pause au port et rencontre avec un monsieur qui nous signale la présence toute proche d'une ânesse dont les maîtres ont un grand terrain…

Gina et Bernard nous accueillent chaleureusement et ne nous laisse pas planter la tente, mais nous convie à partager leur repas et à dormir dans un bon lit !

Eux aussi randonnent, mais à un tout autre rythme et vers des horizons plus lointains : ils font des trekkings un peu partout dans le monde. Mais le plaisir de la marche en pleine nature reste le même et notre amour de la race asine nous rapproche plus encore…


Agréable soirée où Alain a charmé la maîtresse des lieux au point de se faire confectionner son menu préféré : pommes de terre sautées et jambon cru…


 

Jumbo et leur adorable Jonquille nous offrent un tableau des plus attendrissant en passant leur soirée museaux contre museaux…

Je savais bien que notre baudet était un grand romantique !

Lundi 12 mai - St Mammès / Recloses : env. 30 kms ?


Départ accompagné par la voisine de nos hôtes qui nous conduit par un raccourcit qui longe le canal de Loing.

 

Elle est fille de mariniers et nous fait rencontrer un monsieur qui a vécu le temps révolu où hommes et bêtes gagnaient leur pain en tirant les péniches comme le montre l'usure de la pierre...


Huit kms de ville pour rejoindre l'entrée de la forêt, mais ne le regrettons pas, Veneux Les Sablons est une ville médiévale de toute beauté, les personnes rencontrées sont toutes charmantes.

Et Jumbo est l'attraction du jour, attachée à un poteau pendant que nous faisons nos courses.

La Forêt de Fontainebleau !


Nous n'avions pas prévu de la traverser, mais c'est notre lot de consolation pour ne pouvoir finir cette randonnée à pied avec notre fidèle compagnon…

Et, quel bonheur de retrouver l'ambiance feutrée des bois ! ! !

25 000 ha, 1 100 kms d'allées…


Façonnée par l'histoire, l'antique forêt de Bière a attiré les premiers rois de France dés le milieu du XII ème siècle.

Ils l'ont acquise de divers seigneurs et progressivement aménagée pour en faire une de leur résidence de chasse favorite. La construction d'un rendez-vous de chasse au cœur de la forêt, a fait place au cours des siècles à un vaste palais où presque tous les souverains ont séjourné.

De nombreuses espèces étaient chassées, du cerf au loup en passant par le lapin et le sanglier. St Louis y créa la première meute de chasse à courre.

Le nombre excessif d'animaux sauvages en forêt entraîna des dégâts très importants aux semis et aux plantations.

De même, les animaux domestiques des paroisses riveraines autorisés par les souverains à pâturer en forêt (10 000 bovins et 6 000 porcs sous Louis XIV) pour dédommager les habitants des dégâts occasionnés par le gibier dans les cultures.

C'est Louis XIV qui engagea réellement une politique de plantations de toutes les parties dégradées, ainsi furent plantés près de 5 5OO hectares, principalement en chênes et au XIXème siècle 6 000 hectares de pin sylvestre.


Malgré l'aspect naturel des peuplements actuels, les deux tiers de la forêt fût plantés ou semés de main d'homme.

Il existe encore des peuplements reliques qui renferment de très vieux arbres (chênes âgés de 400 ans et des hêtres de 300 ans) qui ont constitué au XIXème siècle les réserves artistiques de Fontainebleau, domaine réservé des peintres, des naturistes, des promeneurs, constituant ainsi le prélude à la protection de la nature en France.


L'originalité de la forêt de Fontainebleau tient pour beaucoup de son histoire géologique : la mer qui recouvrait le bassin parisien à la fin de l'ère tertiaire y a déposé sur près de 60 mètres d'épaisseur, un sable blanc, fin et d'une grande pureté, lui-même recouvert par une dalle de grès de 4 à 5 mètres d'épaisseur.

Puis l'érosion a façonné le massif en créant les paysages variés de la forêt : les grands plateaux encore intacts recouverts par les hautes futaies de chênes et de hêtres ; les plaines fertiles plantées de pins ; les monts érodés où la dalle de grès décapée s'est disloquées constituant le chaos rocheux de Fontainebleau, domaine de la lande à bouleau.


Sur les plaques de grès dénudé, l'eau de pluie ne s'écoule pas et donne naissance à de superbes mares alors que les fonds sableux qui constituent les chemins sont toujours à sec et permettent de se promener aisément à pied, à cheval ou avec un âne bâté…

Du bonheur pour notre petite équipée !

Alain chante son bien-être et Jumbo se régale de jeunes pousses !


Nous faisons une pause à La Mare aux Fées qui est réellement enchanteresse avec ses lys d'eau aux couleurs du soleil…

Mardi 13 mai - Recloses / du côté de Macherin : env. 15 kms


Très belle journée de marche dans une splendide forêt aux paysages très variés…

 

Mais comme rien n'est jamais parfait en ce bas monde, Jumbo est sauvagement attaqué par de sadiques mouches plates qui s'accrochent à sa peau et le sucent.

Je n'ai pas idée de la sensation que cela procure, mais chevaux et ânes deviennent fous sous les attaques de ces tortionnaires. 

Alors, notre porte-bagages prend régulièrement la fuite pour les fourrés environnants et tenter de se débarrasser de ces vampires ailés et quand sa tactique se révèle inefficace, il revient se frotter contre moi et me présenter sa croupe pour que je le libère en écrasant ces monstres entre mes doigts… et que je réajuste son chargement !

On nous a tellement mis en garde contre les loups-garous humains qui hanteraient ces si beaux bois, que nous ferons notre halte nocturne dans le centre équestre de Recloses.


Nous avons téléphoné et expliqué la raison de notre périple, mais apparemment, la propriétaire des lieux n'est pas sensibilisée par la bravoure d'Alain : 20 € pour une litière de paille dans un box en guise de repos du guerrier… et à régler de suite… des fois qu'il nous prenne l'envie de nous sauver en pleine nuit ! ! !

 

Mais les stagiaires sont super sympas et s'organisent pour prêter un lit au fiston et nous partageons nos provisions pour une soirée égaillée par le rhum d'un apprenti martiniquais.

Entre temps, je m'amuse à observer les bousiers qui besognent en roulant des boulettes de crottin pour nourrir leurs larves, ils n'offrent au regard que le dos de leur carapace qui est noire, mais lorsqu'ils sont retournés, leur flanc est d'un superbe bleu métallisé.


Ils n'ont, en tout cas, pas de difficulté pour dénicher leur pitance offerte gracieusement par les apparemment nombreux chevaux qui fréquentent ses allées de rêves… enfin, sans doute le week-end, car pour l'instant, nous n'avons croisé personne, ni à pied, ni à cheval !

 

Nous ne rencontrerons pas plus de sanglier, mais leur présence certaine est révélée par les immenses bauges qu'ils creusent méthodiquement.


 

Par contre, les innombrables oiseaux qui peuplent ces bois nous offrent de superbes concerts… mais se taisent au rythme des démarrages d'Alain qui régulièrement lance au ciel ses cris de joie pour venir me retrouver et cheminer quelques instants à mon bras…

Nous devons faire un détour jusqu'à une maison forestière pour remplir nos gourdes, il n'y a aucun point d'eau potable en forêt.


Ensuite, je décide que nous passerons la nuit dans les bois, j'ai trop envie de sentir son ambiance à la tombée et au lever du jour… et puis, nous n'avons croisé aucun satire et avons l'habitude de nous dégoter des p'tits coins tranquilles !


Nous nous installons donc dans une petite clairière et passons une soirée paisible.

 

Alain s'endort comme à son habitude en randonnée, c'est à dire dès que sa tête se pose sur son jean et son sweet qui font fonction d'oreiller…

Pendant que je replie nos affaires sous la bâche pour la nuit, 3 magnifiques biches traversent les fourrées d'à côté…

Magique !

Plus tard, alors que je bouquine tranquille avec ma lampe frontale, j'entends un drôle de cri du genre aboiement enroué, qui semble venir de la direction de Jumbo, mais qui ne peut sortir de sa gorge d'âne censée n'émettre que les typiques : " Hi ! Han ! "


Quelques instants plus tard, alors que la lune offre sa clarté à la clairière, au loin, une bruyante présence fait craquer les branches et le brame, lui typique de la biche, retentit…

Je reste interdite par la réponse de Jumbo… qui se révèle être bien l'émetteur du cri de tout à l'heure…

Et ainsi, ils se répondront à distance… jusqu'à ce que le sommeil me kidnappe vers 3 h 30 !

Mercredi 14 mai - du côté de Macherin / Brolles : env. 20 kms


Au réveil, je suis folle de rage d'avoir manqué le reste de la nuit, je ne saurais jamais s'ils se sont rapprochés, rencontrés ?


Par contre, je suis hyper émue en regardant Jumbo dont tous les sens sont en tension extrême et je sais que je ne le regarderai plus jamais avec les mêmes yeux…

Si je devais rédiger un C.V. à son nom, j'indiquerai volontiers : Il parle avec les cerfs !


N'ayant jamais entendu ni lu de témoignage sur ce type de cri poussé par un âne, je recherche des infos peut-être de bergers provençaux partant en transhumance avec des ânes ?


Pour le comportement de la biche, je pense qu'un petit devait être caché dans les fourrés avoisinants et qu'elle le protégeait. Sans doute devait-elle être la femelle dominante de la harde et en tant que telle devait-elle être vigilante pour tout le groupe qui lui était partie paître paisiblement plus loin.


Au moment du départ, Jumbo semble nous indiquer le lieu de repli de ses compagnons de nuit, qu'il n'arrive pas à quitter des yeux.

Et je réalise que, digne de ma confiance, il n'a pas déserté son poste de la nuit et que je l'ai retrouvé au abord de la tente à mon réveil…


Fidèle et brave, je sens que je l'aime plus encore depuis que j'ai découvert une autre face de sa personnalité dans sa capacité à communiquer avec la biche !


Et la même émotion, au cours de la journée quand les rochers qui borde le G.R. rendent notre avancée presque kamikaze et qu'il met toute sa force et sa bravoure à nous suivre…

Mais après 3 re-bâtages, je prends la décision de faire marche arrière !


Je suis d'autant plus vigilante que Jumbo a la peau du dos toute râpée par le bât, non seulement parce qu'il a mis son chargement à dure épreuve hier dans ses tentatives à se débarrasser des mouches plates et aujourd’hui dans les rochers, mais également parce que je me suis aperçu qu'il avait encore grandit malgré ses 6 ans et que notre bât, avec lequel je pensais qu'il ferait carrière, se révèle un peu juste pour lui !

 

Nous profitons pleinement de notre dernière journée de randonnée et j'essaie de refouler ma déception d'être privé d'une belle arrivée place de l'Hôtel de Ville…

 

- Déçue, parce que pour moi, les journées de l'autisme se doivent d'être, avant tout, la fête de tous les autistes et que je nous perçois comme privés de réjouissances !


- Peinée, parce que si une seule personne avait une place légitime ce jour là, c'est bien le fiston qui a su dépasser sa douleur physique et psychique pour venir à pied…


- Incrédule, devant ce choix de ne prévoir un espace que pour les politiques ou représentants officiels, alors que je suis convaincue que nous n'aurons le soutien de l'opinion publique que si nous leur offrons de s'identifier à travers des histoires vécues et non d'aussi beaux discours soient-ils…


- Et je pense également qu'en cette période de l'année, particulièrement chargée des revendications sociales qui accaparent l'actualité, l'arrivée d'un âne bâté en plein centre de Paris aurait pu garantir une excellente couverture médiatique et à bien peu de frais, puisque Jumbo n'a besoin que de 2m4 et de 4 barrières Vauban !


Alors, tant pis pour eux !

Tant mieux pour nous qui avons vécu tranquille cette randonnée et qui vivront plus tranquille encore ces journées nationales de l'autisme version parisienne…


Je ne regrette aucunement notre balade, Alain a été simplement heureux d'être là, dans ce projet de vie de quelques semaines qu'il peut de plus en plus investir et partagé sereinement !

Et au fil des rando, sa jambe se renforce et son atrophie diminue visiblement…


Jumbo a démontré qu'il était maintenant un vrai professionnel de la randonnée en plus d'être un merveilleux compagnon de route !

Un orage de grêle vient accompagner nos derniers kms et je le prends comme un clin d'œil de Dame Nature qui semble me dire que pareil à notre départ, elle nous accompagne !

 

C'est vrai que nous aurons été hyper gâtés question temps, excepté les frimas des premiers jours, la météo aura été plus clémente qu'au cours de nos précédentes randonnées pourtant effectuées en juillet et août.


Et je repense à notre départ et au fait qu'aucune autre randonnée ne débutera plus à l'école de Cirque de Crotenay, avec la présence de notre ami Eric…


Mais, Christian vient, une fois encore, nous récupérer et nous montrer que si cette chienne de vie nous prive trop souvent et trop cruellement des êtres chers, elle nous offre également à en rencontrer d'autres ! !

Nous passons 2 jours paisibles à la ferme de Christian à Egriselles Le Bocage...nous avons maintenant tout notre temps !

 

Samedi 17, dimanche 18, lundi 19 mai :

 

Nous partons avec Christian participer à la fête de l'âne à Ruisseauville dans le Pas de Calais organisée par l'association " A Petit Pas ".

 

Eric, mon frère aîné et son amie Michèle viennent nous apporter des photos pour le stand qui nous est réservé et des exemplaires de notre livre à vendre au profit de notre association.

 

Le cadre est magnifique et l'accueil super sympa, nous passons 2 agréables journées à côtoyer de co-amoureux de l'âne, tel Jacky Davézé qui a publié plusieurs livre à ce sujet aux éditions Rustica et créé le Parc du Fou de l'Âne.

 

Alain se sent également super bien au point où je ne fais que l'apercevoir, il se promène de stand en stand et se fait offrir… des cafés !

 

Jumbo a un franc succès à se balader en liberté surveillée dans le parc avec son chargement de randonnée, mais a plus de mal à comprendre qu'une fois bâté, nous ne partions pas… Surtout qu'il regarde ses collègues partir en balade toutes les heures !

 

La mer est trop proche pour que nous n'en profitions pas pour aller lui faire un p'tit coucou et surtout la présenter à Jumbo, qui ne connaît de l'eau que nos lacs et les canaux…et qui fidèle, en liberté, me suit sur la plage les pieds dans les flaques et les rouleaux d'écume.

 

Mercredi 21 mai :

 

Alphonse est venu chercher Jumbo et si je lui fais toute confiance, je suis toute tristounette de laisser notre compagnon s'en retourner seul dans le Jura…

 

Nous le rejoindrons mercredi prochain !

 

Samedi 24 mai :


Nous montons à la capitale en voiture... et non avec notre noble destrier ! ! !


Mais ne laissons pas l'amertume nous gagner et nous roulons dans la bonne humeur avec Virginie et Christian, qui décidément nous parrainent et Alain qui est tout content de ne pas faire la route à pied...

- Alain a été d'une patience... angélique pour ne pas dire... autistique !

 

 


- Nous avons vendu des livres (c'est important pour notre association Autisme Jura à qui nous avons offert nos droits d'auteur).

- Nous avons rencontré des gens formidables, telle cette jeune femme dont la cousine à un enfant autiste... en Roumanie et avec laquelle nous allons travailler à rassembler et traduire les informations dont ils ont tant besoin là-bas.

Ou nos voisins de stand de l'association " Aidera Yvelines " qui ont confié notre livre à une association pour aveugles et malvoyants pour qu'elle l'enregistre sur cassette. Je suis super heureuse qu'enfin Alain puisse s'approprier notre récit sans être tributaire d'une personne pour le lui lire.

Comme il sait se servir de son magnéto, il pourra écouter et réécouter ses passages préférés comme bon lui semble...

 

- Nous avons été présenté à notre principale ministre de tutelle, Marie Thérèse Boisseau, secrétaire d'état auprès des personnes handicapées, par l'intermédiaire de notre ami et parrain, Jean-François Chossy : initiateur de la loi dite "Chossy" du 11.12.1996 "tendant à assurer une prise en charge adaptée de l'autisme".

Et nous en avons profité pour rester quelques jours chez notre amie, Sophie et faire une balade sur les quais de Seine du Louvre à la Tour Effel, mais Alain, qu'elle fascine pourtant depuis très longtemps à refusé catégoriquement de prendre l'ascenseur, il en a une vraie phobie depuis quelques années...

 


Et nous sommes rentrés chez nous en train... et nous avons reprit le cour de notre vie ! ! !

 

Création gratuite et facile

Créer un site Internet
Faites votre site Internet gratuit avec