Les copains d'Alain

Vendredi 05/07/02 : Champagnole / Crotenay 6 km

Départ après un petit coucou sous forme de cliché photo de nos amis du Progrès (je profite de l'occasion pour remercier toute l'équipe de Champagnole pour son soutien à nos actions en faveur des autistes).

Nous suivons l'ancienne ligne de chemin de fer et Jumbo redécouvre la liberté et le bonheur de nous suivre de touffes d'herbe en tendres feuilles... Même s'il doit le payer des 70 kg que nous lui mettons sur le dos !

Soirée à l'école de cirque : charmant spectacle des 20 enfants en stage et barbecue avec Eric, Stèph et la famille.

Nuit au milieu des accessoires et costumes aux couleurs de fête. Nous avons bien dormi !

Samedi 06/07/02 : Crotenay / Valempoulière 12 km

Si Jumbo démontre qu'il est déjà un vieux baroudeur à 5 ans, il n'a pas travaillé depuis notre retour de Bretagne il y a 2 ans. Alors suivant le vieil adage : "Qui veut voyager loin ménage sa 'bâture' ", je lui laisse le temps de se remuscler, je  ne lui met que les 2 grosses sacoches sur le dos et Alphonse imite le tour de France en jouant les voitures suiveuses et en transportant le reste de l'intendance.

 

Alain a retrouvé un superbe sourire qui exprime son plaisir de repartir en rando, mais reste vite fatigable. Il apprécie de ne pas avoir de sac à dos à porter et plus encore d'être attendu et bichonné chaque soir.

Dimanche 07/07/02 : Valempoulières / Aumont 17 km
L'étape est trop longue et de trop forte déclivité, alors Jumbo retrouve le petit van bétaillère qui l'a ramené de Bretagne et Alphonse nous dépose en bas de Poligny.
Nous casse-croûtons ensemble devant une ancienne gare et rencontrons ses habitants qui eux aussi ont un enfant handicapé.
Nous suivons de nouveau l'ancienne voie ferrée tant que c'est possible mais elle finit par se perdre dans des taillis infranchissables et nous nous perdons de même... Après bien des détours, demi-tours et contours, nous retrouvons la R.N. 5 que nous suivons jusque chez Frédérique et Bernard.

Alain, qui a super bien assuré toute la journée passe 1h30 dans le bain avant de nous retrouver pour une soirée barbecue.
Jumbo passe la nuit dans un box à côté de ses cousins les chevaux.
Nuit dans une tente déjà installée dans le jardin.

Lundi 08/07/02 : Aumont / Ounans 13 km
Nous avons tant de fois pris cette route en voiture que c'est du bonheur de la parcourir à pied aujourd'hui en direction du ranch où nous avons vécu.
Première sieste dans les bois qui nous protègent de la lourdeur atmosphérique.

Soirée dans le lieu qui a vu naître Jumbo.
Alain est heureux et se la joue 1h de bain

Mardi 09/07/02 : Ounans / La vieille Loye 11 km
P'tit dèj avec Anguerand. Son ami Patrick me fait visiter la roulotte qu'il a construit, une vraie petite maison de poupée qui peut conduire les rêves là où l'on veut !
Jumbo a une pêche olympique, apparemment son chargement ne le gêne guère.
La forêt de Chaux me rappelle la Sologne à tel point que je m'attends à trouver un étang après chaque virage.
Soirée chez Michèle et Pierre avec Alphonse et sa fille Clémence que nous avons connue toute pitchounette et que nous sommes super heureux de revoir aujourd'hui dans la p'tite femme qui commence à se dessiner à travers sa pré-adolescence.
Jumbo retrouve 2 ânes dans un pré mais ne jouit pas d'un accueil aussi chaleureux que le nôtre... Le mâle des lieux lui refusera l'accès à sa cabane toute la nuit, malgré la pluie !

Mercredi 10/07/02 : La vieille Loye / Etrepigney 15 km
Traversée de la forêt de Chaux par un temps à ne pas mettre un âne dehors... et encore moins ses âniers ! ! ! Mais bon, déjà qu'on ne va pas bien vite, qu'on prend les chemins des écoliers et puis :  'la pluie du matin n'arrête pas le pélerin !'
Nous partons donc bravement par une belle route goudronnée rien que pour nous puisque interdite à la circulation. Alors le ciel peut essorer tous ses nuages, nous sommes protégés de la gadouille, des insectes et des brûlures du soleil ! Sauf Jumbo qui se fait mitrailler les fesses par de gros taons, sans doute amphibiens pour oser sortir sous une pluie pareille, en tout cas leurs morsures doivent être sévères car il se gratte tellement aux écorces des arbres qu'il s'en arrache la peau et du coup étrenne notre pharmacie par un petit massage à l'homéoplasmine.

Alain est simplement et merveilleusement bien ! ! Il marche à l'arrière comme à son habitude et chaque fois que je me retourne, il sourit... Je suis complètement épatée par la rapidité avec laquelle il peut changer d'état : si mal il y a encore quelques jours à l'hôpital psychiatrique et aujourd'hui si bien sans avoir besoin d'être adhésif ou dans la répétition.
Pause dans un baccu, ancienne maison de bûcherons faite de bois et de chaux (normal dans la forêt qui les habite).
Soirée chez Laurence et Régis et... re-re bain pour Alain.

Jeudi 11/07/02 : Etrepigney / Châteauneuf 6 km

Alain dort, alors matinée vidéo : "l'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux".

Nous retrouvons le canal et son chemin de halage avant Ranchot, notre rando débute vraiment ici, nous avons notre matériel au complet, plus d'amis sur la route (ou ceux qu'il reste à rencontrer) et le Doubs nous invite à le suivre...

Nous passons notre première nuit à la belle étoile après Dampierre.

Vendredi 12/07/02 : Châteauneuf / Osselle 13 km

Mon premier regard du matin se pose sur un jeune renard qui n'a apparemment pas encore appris à se méfier des humains ! ! !

Ne connaissant des canaux que ceux de notre précédente randonnée en Bretagne (celui du Berry que nous avons adoré et celui de Nantes à Brest qui est assez bien équipé pour les randonneurs), je m'attendais à trouver le même plaisir aux pauses des écluses. Mais nenni ! Les écluses sont toutes automatiques et les mariniers ne papotent plus qu'avec un boîtier électronique...

Quant à nous, personne pour faire un p'tit brin de causette, pour renseigner sur l'état des chemins ou pour remplir les gourdes. Car non seulement la plupart des charmantes petites maisons qui égaient les autres canaux sont tristement inoccupées mais beaucoup sont carrément murées !

Pas un point d'eau n'a été laissé à la disposition des promeneurs ! ! !

Plus loin, un pré, des chevaux, un hangar, et donc sans doute un robinet... Et là, bonne surprise de tomber sur Daniel, un copain maréchal ferrand. C'est vrai que nous ne sommes pas encore si loin de chez nous !

Nous faisons notre halte déjeuner et la sieste entre le canal et la rivière du Doubs. Au réveil, Alain n'a pas du tout envie de repartir. C'est vrai que nous sommes bien et puis en vacances après tout... Nous restons pour la nuit.

Samedi 13/07/02 : Osselle / La double écluse 12 km

Journée tranquille et nous faisons bien d'en profiter... avant ce que nous réserve la soirée...

Nous avons prévu de nous arrêter à Rancenay, avant d'attaquer demain la traversée de Besançon. Si Jumbo a retrouvé sans problème ses habitudes de liberté surveillée, il va devoir être de nouveau confronté à la civilisation.

Et puis Bernard, membre de l'équipe de France 3, venu faire un reportage à la maison pour compléter la couverture des journées de l'autisme demeure sur une péniche, et l'idée d'agrémenter notre halte d'un apéro flottant nous séduit bien...

Nous trouvons un p'tit coin sympa pour nous installer et Jumbo un pré pour se restaurer un peu plus loin.

L'apéro est sympa et nous décidons de partager un plat de spaghettis bolognaise. Je retourne à la tente chercher une boîte de maquereaux réclamée par Alain qui n'aime plus les pâtes depuis quelque temps (et qui de toute façon ne mange de bon cœur que viandes et fruits).

Je décide de passer voir Jumbo par la même occasion... Mais point de bourricot ! ! !

Nous ne saurons jamais comment il est sorti, la porte est fermée et la clôture intacte ?

Mon portable ne trouvant pas de réseau, je dois emprunter celui de Bernard pour prévenir la gendarmerie et le propriétaire du pré. Ensuite les recherches s'organisent : Bernard et Alain vont en voiture surveiller la route distante d'environ 500 m, je pars en sens inverse, me disant que c'est le seul repère connu de Jumbo, et préviens les personnes rencontrées.

Un monsieur me propose gentiment son vélo et je rejoins Bernard et Alain qui ont effectivement retrouvé Jumbo à l'entrée du chemin de halage que nous avions emprunté l'après midi.

Jumbo vient à ma rencontre et a l'air tout penaud, je le cajole et nous rentrons paisibles sa longe dans une main et le vélo dans l'autre. Je suis contente, l'âne est sain et sauf et un bon p'tit repas en bonne compagnie nous attend.

Et là the big connerie : j'attache la longe de Jumbo au porte-bagages du vélo...

On rentre tranquille, pédalant à son rythme... Tout va bien pendant 500 m... mais nous sommes le 13 juillet et qui dit 13 juillet dit pétards ! !

D'un seul coup, un chapelet éclate juste derrière le virage que nous venons d'aborder... A ce qui m'a semblé la vitesse de l'éclair, Jumbo prend peur et je ne peux retenir ni l'âne, ni le vélo !

Vision de l'horreur que cette bête qui fuit comme poursuivie par l'enfer qu'est ce vélo qui rebondit sur le goudron au bout de sa longe dans un terrible bruit accompagné d'étincelles dues aux frottements du métal sur la route...

Terribles les pensées qui accompagnent ma course désespérée contre tous les drames que j'ai peut-être engendrés...

Terrible également le point de côté qui me plie en deux pendant que je cours après l'illusion de pouvoir encore tout arrêter...

Et Jumbo, dans sa course folle a accroché notre tente qu'il traîne... derrière le vélo... derrière sa longe... derrière lui...

Mais heureusement, Bernard intrigué par le bruit a la bonne idée de sortir voir ce qui se passe et plus encore, le génial réflexe, malgré le surréalisme de la scène, de sauter au cou de Jumbo lorsqu'il passe devant la péniche et de le force à s'arrêter en le bloquant contre une caravane.

Jumbo n'est pas blessé, du moins physiquement, et n'a blessé personne ! ! !

Il me reste à tenter de le rassurer, à masser son corps de plomb, tétanisé par la panique, et à l'aider à subir l'épreuve supplémentaire des 3 feux d'artifice qui se déclenchent dans les villages alentours.

Alain, lui, est paisible, il faut dire qu'il a passé la soirée dans la péniche, apparemment pas du tout perturbé par le stress que nous dégageons et semble ne retenir que " Il a cassé le vélo Jumbo ! "

Ce qui est fait est fait ! ... et il ne me reste qu'à en assumer les conséquences et à en tirer leçon.

La première des réparations, je l'accomplis en restant auprès de Jumbo toute la nuit où après la peur, l'évidente culpabilité, l'envie de me battre, de disparaître sous terre... la fatigue et la solitude m'envahissent !

La journée du lendemain, pluvieuse et cafardeuse est passée à apaiser Jumbo attaché à une grande corde tirée entre deux arbres auprès de nous.

Intermède réconfortant le temps d'un repas au restaurant offert par mes parents qui sont venus nous voir avec Teddy, la chienne d'Alain que nous leur avons confié le temps de la rando. Alain est heureux d'avoir l'occasion de sortir de la tente, de retrouver sa chienne, ses grands-parents, d'aller au restaurant... Il jubile !

Soirée auprès de Jumbo qui s'angoisse de nouveau lorsque partent les feux d'artifice de Besançon !

Nouvelle journée tristounette où la météo nous confine encore sous la tente...

Paperasserie assurance avec les braves gens qui ont eu la mauvaise idée de me prêter leur vélo... Je ferai en sorte qu’ils soient convenablement dédommagés !

Je ne me sens vraiment pas l'énergie de m'embarquer à traverser une ville avec Alain et un âne dont les réactions sont encore imprévisibles après le traumatisme qu'il a subit... Mais on va pas passer notre été ici ! ! Alors je demande de l'aide : à mes parents pour qu'ils passent la journée avec le fiston, à Alphonse pour qu'il nous accompagne dans la cité.

Les voisins qui gentiment nous apportent le petit déjeuner sur un plateau chaque matin, nous proposent un pré pour Jumbo chez des cousins tout proche qui ont un cheval Mérens et un poney. J'accepte volontiers, Jumbo pourra se repaître et se défouler de deux jours d'attache.

Alphonse qui sait comme peut être parfois profonde ma détresse, vient nous retrouver en fin d'après midi. Sa sollicitude, un bon repas poisson et l'assurance de sa présence à mes côtés demain me rassurent et me réconfortent, je sais que je pourrai dormir cette nuit !

Mardi 16/07/02 : La Double Ecluse / Chalèze 18 km

Mon père arrive vers 10h, tout est prêt, Alain est ravi de partir en voiture avec lui pour une journée en ville...

Nous partons et dès cet instant, je bénis Alphonse d'être là : des travaux barrent le chemin de halage et nous devons longer le pré dont Jumbo s'est échappé le soir du 13 juillet. Et je sais bien que je n'aurai pas eu l'énergie d'être à la fois assez ferme et dirigiste avec l'âne pour le cadrer et le rassurer, mais encore moins pour avoir la force de le retenir quand il tente de fuir ce lieu maudit.

Que s'est-il passé dans ce pré ce soir là ? Comment en est-il sorti ?

Ensuite il est beaucoup plus calme et si le déluge qui nous tombe sur la couenne nous dissuade d'une balade bucolique le long des quais en suivant les boucles du Doubs, Jumbo n'y est pour rien... Et il passe même le long tunnel du canal comme un brave.

Ensuite, chemin de halage (non fauché) jusqu'à Chalèze où la météo me convainc de demander refuge pour la nuit dans une ferme.

Gérard et Alain viennent nous retrouver avec une pizza et un rosé bien frais. Le fiston a un sourire complètement épanoui : non seulement il n'a pas marché, mais en plus il a mangé au resto à midi !

Nuit dans un hangar stabulation en compagnie d'une quinzaine de vaches Charolaises et de 3 chiens Bergers Allemands.

Au matin, il fait toujours un temps pourri : pluie, brouillard et froid... On traîne et la dernière averse nous décide à faire grève aujourd'hui !

C'est pas vraiment un palace, mais les paysans sont gentils et on est quand même mieux que dehors dans la gadouille !

La pension a l'air de convenir à Jumbo qui se balade dans un box de 45 m2 avec foin à volonté, juste en face de nous.

Alain qui s'est réveillé vers 9h, se rendort de 15 à 18 h et baille déjà alors qu'il n'est que 20h. Mais si le respect de son besoin de repos lui permet de bien vivre cette nouvelle randonnée... son rythme sera le nôtre.

Mardi 23/07/02 : Deluz / Beaume Les Dames 22 km

Le soleil fait miroiter l'eau de la rivière, mais déjà, avec la baisse de son ardeur tout s'apaise autour de nous. Même le vent qui nous a offert la plus sensuelle des caresses, nous enveloppant de son tendre baume sur notre peau de nordiques, se meurt doucement...

Lorsque le jour s'éclipse, les bruits prennent une toute autre résonance et redonnent toute sa place à la bruyante vie de la nature.

Mais le chant des oiseaux, qui pourtant piaillent ardemment le récit de leur journée, ne parvient pas à couvrir les ronflements d'Alain qui a battu ce soir son record chrono d'endormissement... Il faut dire que je lui ai mis 22 km dans les pattes et surtout dans sa jambe d'hémiplégique !

Démarche stratégique dans le but de le fatiguer physiquement dans l'espoir qu'il ne se renferme pas dans les délires verbaux qu'il a remis en service depuis ce matin et dans l'espoir que je puisse jouir de quelques instants de paix !

Je me souviens vous avoir laissés l'autre jour dans le hangar de Chalèze, mais en rando, si les jours et les km se suivent, ils ne se ressemblent tellement pas !

Je me souviens d'un matin de brouillard digne d'une Toussaint, d'un crachin à la mode londonienne et d'un terrible sentier en lieu et place du chemin de halage.

Nous sommes limite sécurité, coincés sur quelques cm. Les herbes nous arrivent à la poitrine, les branches nous barrent le passage et nous devons avancer en aveugle, jongler entre les creux, les bosses, les rigoles façonnées par l'érosion.

Si je fais confiance aux pieds sûrs de l'âne, je suis beaucoup plus inquiète pour Alain qui semble constamment limite équilibre.

Pour tout arranger, le ciel s'est ouvert sur une chape de plomb qui nous écrase au sol, pour le bonheur des reptiles, et si la bête qui s'enfuit n'est qu'une couleuvre... le spectre rôde !

J'enroule la longe de Jumbo autour de la taille d'Alain et de la mienne, je la tiens fermement en ouvrant le chemin de peur qu'il ne tombe à l'eau...

A la double écluse n° 46/47 de Deluz, alors que nous cherchons un coin pour nous installer quelques instants, un homme, Gérard, nous propose de poursuivre 500 m jusqu'à l'association qu'il a créée pour les chevaux maltraités.

C'est un ancien moulin entre Doubs et canal qu'il est en train de superbement restauré.

Une place au pré est trouvée pour Jumbo et nous dormirons dans le garage en attendant Martine et Pierre qui, du coup, viendront nous chercher pour passer le week-end chez eux à Vernierfontaine.

Et donc 0 km pour les 3 jours suivants, mais on s'en fout, on est bien, on n’a rien à prouver et comme seul challenge que de passer le meilleur été possible !

Repos, détente, courses, récurage des humains, du matériel, festival rock en plein air à Landresse avec le groupe Big Soul et visite du gouffre de Poudrey.

Alain est super bien accueilli par les jeunes de la maison et leurs nombreux amis. Il affiche une mine épanouie et saute au rythme de la musique au concert, mais il a aussi des moments plus difficiles où il est très adhésif et dans la répétition.

Mon état d'esprit fluctue avec ses humeurs, me permettant de me détendre et d'apprécier pleinement l'amitié partagée ou me stressant et faisant ressurgir cruellement la fatigue accumulée...

Martine nous conduit à Besançon chez sa naturopathe qui me donne un traitement pour m'aider à recharger mes batteries et ensuite, nous dépose pour une nouvelle nuit dans le garage du moulin où nous attend une charmante surprise : Dolorès co-défenseur de la cause équine nous a offert un exemplaire de son livre "La Dame de Breuil".

Jumbo a l'air d'avoir lui aussi passé un bon week-end en compagnie de deux chevaux et d'une p'tite famille de chèvres naines qui réapprennent ensemble la douceur de vivre.

Nous repartons pour une paisible journée au fil de l'eau, juste entrecoupée par une obligation de débâter pour franchir un pont sur lequel est implantée une espèce de cahute qui ne laisse pas l'espace nécessaire pour notre encombrant porte faix. Le gag, c'est qu'à l'autre extrémité, le pont est carrément coupé par une barre de fer soudée par les bons soins des Ponts et Chaussées qui n'ont pas trouvé utile de l'indiquer à l'entrée... Demi-tour, sans commentaire ! !

Nous dormons à l'écluse n°40 de Baumerousse.

Mercredi 24/07/02 : Beaume Les Dames / Santoche 24 km

La journée aurait pu être agréable, la route est belle et un doux coussin de nuage nous protège de la canicule, mais Alain me scotche grave ! !

Nous demandons de l'eau à Hyévre-Magny à un charmant monsieur qui travaille dans son jardin peuplé de bambous. Il nous invite à rentrer, à rester quelques instants,

mais Alain ne le voit ni ne l'entend, il est ... ailleurs, dans un monde peuplé de mots et rien que de mots qui s'entrechoquent dans leur absence de sens.

 



Je décline l'invitation pour nous poser un peu plus loin... Dommage !

Je n'ai d'autres ressources que de décider de marcher jusqu'à plus force, juste pour éviter le terrible tête-à-tête avec mon vampire de fils...

Mais le soleil n'arrêtera pas sa course pour nous et la tombée de la nuit prochaine nous oblige à chercher sans tarder un coin où planter la tente.

Est-ce la fatigue, l'agression que représente ce flot de paroles qui déborde, porteur d'angoisse et de folie ?

Je perds un instant le contrôle et je gifle Alain !

Si lui ne semble pas plus affecté que ça par ce geste si justement chanté par Linda Lemay "J'ai battu ma fille" je n'assume pas ce qu'il porte de désespoir !

J'appelle au secours notre amie Stéphanie éducatrice spécialisée qui nous offre volontiers son soutien de médiateur et qui sait trouver les mots pour nous apaiser et nous permettre de trouver le sommeil...


Demain est un autre jour !

Jeudi 25/07/02 : Santoche / Blussans 17 km

Alain est... idem !

Je ne me sens pas la force de continuer et ne suis pourtant pas prête à prendre la décision de renoncer, surtout qu'Alain ne veut pas en entendre parler. Je crois qu'il ne peut supporter le constat d'échec que représenterait un retour à la maison avant d'être au moins aller chez "la Soph", l'amie qui nous attend à Toul.

Je retire sur la sonnette d'alarme en rappelant Stéphanie, Alain arrive à l'écouter et je puise, je ne sais où, l'énergie de retisser un lien entre Alain et notre réalité en chantonnant ses répétitions jusqu'à, j'espère, overdose pour lui... Je vous dis pas la tête des pêcheurs que l'on croise ! Mais Alain semble moins submergé... A suivre !

Nous nous installons pour la nuit à l'écluse n° 24 de Blussans.


Vendredi 26/07/02 : Blussans / Voujeaucourt 15 km

Depuis notre entrée sur le canal à Ranchot, nous avons droit à un bel aperçu de toutes les nuances que peut recouvrir une même appellation, en l'occurrence, chemin de halage :

- Heureusement peu souvent, mais nous sommes parfois contraints de suivre une route nationale... où les véhiculent foncent à une vitesse en trop grand décalage avec notre rythme et où les glissières de sécurité n'ont pas été mises pour assurer la nôtre !

- D'autres fois et sans prévenir, c'est le plan galère de mardi !

- Mais ceux que nous préférons, bien sûr, sont d'agréables chemins où Jumbo peut glaner quelques délices et trottiner ensuite pour nous retrouver et nous, nous arrêter quand bon nous semble !

 

 

Si Alain m'impose le même débit vocal, il commence à s'en amuser... On tient le bon bout !

Il montre aussi sa fatigue qui est bien légitime après les km de ces derniers jours et l'épisode régressif qu'il vient de traverser... et qui nous laisse chaque fois complètement vidés tous les deux.

Le coin est splendide et ce tronçon de canal n'est pas encore automatisé, les écluses retrouvent vie !

 

Puisque la prochaine étape est la traversée de Montbéliard, nous comptons nous trouver un p'tit coin tranquille où passer la journée de demain, que la météo annonce caniculaire, pour nous refaire une petite santé.

Nous affronterons ainsi la civilisation à l'heure où les braves gens font la grasse matinée dominicale, un jour où les camions sont interdits.

Et c'est là, que Dame Providence entre en jeu en nous guidant vers le moulin de Voujeaucourt dans l'île de l'écluse n° 17. Là, Jacqueline, Pascal, Vincent et les autres nous offrent non seulement l'accueil du pèlerin mais une p'tite place dans leur cœur !

Jumbo a droit à une douche avant de rejoindre les chevaux de la maison dans une pâture où il se lie de sympathie avec un poney "Caramel".

Alain rayonne de nouveau, je l'observe charmer tout le monde et démontrer les ressources de communication qu'il peut avoir. Il s'est débrouillé pour exprimer son envie d'un bain, d'un coca et de manger de la viande... et l'obtenir !

Pour moi, en plus du soulagement qu'Alain puisse me lâcher un peu... du bonheur de le voir aussi simplement et chaleureusement accepté... du repos, de dormir en sécurité dans une caravane, des soirées barbecues en agréables compagnies... je jouis pleinement du bonheur de la rencontre !

Il se dégage une grande paix de cet endroit. En plus du magnétisme propre aux lieux entourés d'eau, il y a le bonheur de côtoyer des gens qui ont su ne pas se perdre dans la course au matérialisme et ainsi restés ouverts aux autres...

Nous restons trois jours.

Mardi 30/07/02 : Voujeoucourt / Dannemarie 21 km

Levé à 5h, Jumbo grimpe comme un vrai baroudeur dans le Jumper de la maison.

Jacqueline et Pascal nous sortent de Montbéliard nous épargnant la traversée d'une ville sans chemin de halage et avec une interminable zone industrielle.

Le chemin est superbe et heureusement ombragée par cette journée de canicule... qui ne pouvait que nous arroser d'un superbe orage... Nous demandons refuge pour la nuit sous un auvent à l'écluse n° 15 qui fait halte nautique et l'on nous permet de prendre une douche... moins céleste !

Jacqueline et Pascal nous font la douce surprise de venir nous rejoindre avec un panier pique-nique garni de saumon fumé qu'Alain adore et même d'un cocktail Malibu/Fraise dont j'ai goûté la saveur et le geste...

Au sourire d'Alain, je sens qu'il a crée un super contact avec eux !

Jumbo n'est pas très à l'aise avec les bruits et lumières de l'orage, heureusement notre présence toute proche le rassure.

Mercredi 31/07/02 : Dannemarie / Didenheim 21 km

Nous sommes en Alsace et ça se voit : les chemins sont super bien entretenus, fleuris, il y a des bancs et des poubelles en bois très souvent, les maisons se parent de couleurs vives, beaucoup de roses, de mauves, de jaunes !

Et plus parlant qu'une frontière : le 1er nid de cigogne !

Nous longeons une enfilade de 13 écluses qui compensent aussi la déclivité de la descente vers Mulhouse.

Nous sympathisons avec l'équipe des Voies Navigables de France qui suivent en mobylette les pénichettes d'écluse en écluse, et le responsable nous trouve à nous abriter du nouvel orage dans le garage de l'écluse n° 36.

De braves gens prennent spontanément le risque, après la grêle tombée la nuit dernière, de sortir leur véhicule pour que Jumbo puisse trouver refuge auprès de nous, ce dont il les remercie en s'abstenant de crotter toute la nuit !

Elisabeth, journaliste au quotidien "L'Alsace", prévenue de notre passage par un ami peintre que nous avons croisé au bord du canal dans la journée, vient nous interviewer.

Toilette, repas, dodo !

eudi 1/08/02 : Didenheim / Forêt de la Hardt 16 km

Nous traversons la cité de Mulhouse sans difficulté le long du canal,

Alain est souriant, juste déçu que le seul bistro rencontré soit sur l'autre rive... sans pont à proximité !

Elisabeth vient nous retrouver avec un pique-nique de charcuterie alsacienne pour faire une photo et nous consoler de notre dernier déboire : une casse auto barre d'une infranchissable barrière le chemin de halage à la sortie du port de commerce... Deux km de marches arrière !

Un énorme nuage déverse une pluie battante qui transperce tout et humidifie même nos sacs de couchage pourtant protégés dans leur housse avant d'être roulés dans des sacs plastiques !

Nous nous arrêtons dans un abri forestier où nous installons la tente en plus du toit de tuile pour tenter de faire barrage à l'humidité dans notre refuge sans mur.

Vendredi 2/08/02 : Forêt de la Hardt / Blodelsheim 18 km

Alain n'a pas envie de se lever... qu'il dorme, nous sommes bien !

Jumbo s'offre une roulade dans la cendre du coin feu et comme il est trempé, je ne vous dis pas la séance brossage qui m'attend avant de pouvoir le bâter !

Et moi, je profite pleinement du silence et du thé ingurgité pour la sensation de chaleur qu'il diffuse agréablement en moi.

Deux charmants forestiers viennent faire un p'tit brin de causette et partager une boisson chaude.

Nous décidons de rester toute la journée, d'autant plus que le soleil nous rend visite lui aussi et que nous allons pouvoir sécher nos affaires !

Mais comme rien n'est longtemps parfait en ce bas monde : une tribu familiale envahit ce que nous avions déjà adopté comme notre chez nous et je me fais insulter par les hommes qui, à juste titre, me reproche d'avoir pris un coin pique-nique pour un camping.

Ils ont raison, je m'incline !

Je réussis à obtenir l'accord d'Alain pour repartir, mais pas pour m'aider à tout ranger !

Mais voilà qu'un des forestiers, tel un preux chevalier des temps modernes, débarque dans son 4x4... C'est un très grand et très carré jeune homme (très mignon aussi), alors les empêcheurs de squatter en paix s'éloignent. Mais de toute façon, j'ai plus envie de rester et moins envie encore de reprogrammer Alain... cette fois ci à rester !

Et puis, notre garde du corps nous propose son aide pour tout emballer... en route !

Belle journée de marche dans une belle forêt de feuillus.

J'ai décidé de ne pas descendre le long du canal jusqu'à Niffer au sud pour éviter deux jours de marche rien que pour voir l'écluse de Le Corbusier. D'autant plus que nous pouvons suivre un chemin forestier jusqu'au nord.

Halte prévue, sur les conseils d'Elisabeth, au poney parc où le propriétaire nous prête gentiment une petite cabane en bois pour le week-end.

Douche, lessive, vaisselle, nettoyage du matériel et course avec Alphonse venu nous retrouver. Je me sens toute paumée dans l'hypermarché de Mulhouse un samedi après midi, le bruit et la foule me stressent et la profusion de nourriture perturbe mes sens frustrés de randonneur...

J'aurai bien du mal à me concentrer sur les achats que je dois faire en tenant compte des facteurs d'appétence d'énergie, de prix, de poids, d'encombrement.

Mais je craque tout de même sur un menu de la mer pour ce soir... rien que des choses super fraîches et même une petite plaquette de beurre et bien sûr... un p'tit canon ! Et pour Alain sa provision de gâteaux et de jus de fruit.

Nous avons la surprise d'être attendus à notre retour par un couple qui m'avait contactée par téléphone la veille après la lecture de l'article paru dans "l'Alsace". Elle, a un frère handicapé qui lui non plus n'a pas de solution décente d'accueil...

Dimanche, alors que nous raccompagnons Alphonse à sa voiture, une grosse averse (j'ai presque envie de dire l'averse quotidienne) tombe. A notre retour, le gag : une grosse gouttière... au-dessus de mon sac de couchage ! Décidément, le ciel m'en veut !! Déjà, lorsque nous sommes allés en Bretagne à pied il y a deux ans, je croyais avoir eu une année exceptionnellement orageuse, mais je crois qu'on s'apprête à battre le record. Mais là, sans être parano, y'a persécution... venir me mouiller mon sac de couchage enfin sec, jusque dans notre abri ! ! !

Jumbo aura passé ses journées dans un pré et ses nuits dans un box, mais sans grand enthousiasme. Comme toujours, lorsque nous sommes en rando et donc loin de son univers habituel, nous devenons ses seuls repères et il est inquiet lorsque nous sommes séparés.

Lundi 5/08/02 : Blodelsheim / Neuf Brisach 19 km

Nous longeons le vieux canal désaffecté du Rhône au Rhin difficilement praticable parce que le chemin n'est pas entretenu, mais d'un charme... il est retourné à ses propriétaires : canards, cygnes, poules d'eau, ragoudins et insectes en tous genres qui nous mitraillent grave. Ils n'ont pas souvent l'occasion de s'offrir du sang humain...et ne s'en privent pas !

Mardi 6/08/02 : Neuf Brisach / Sasbach 21 km

Nous traversons la cité fortifiée de Vauban guidés par un gentil monsieur en vélo.

Puis, nous devons renoncer au canal qui n'est vraiment plus praticable et nous suivons une piste cyclable en direction du Rhin.

Si je devais garder une image de notre passage en plaine d'Alsace, c'est celle d'un immense tapis de maïs. Image navrante de l'irrespect de la nécessaire biodiversité écologique ! ! !

Nous découvrons le grand canal d'Alsace qui fait frontière avec l'Allemagne. C'est une autoroute fluviale perchée sur une bute rase où passent d'immenses pêniches commerciales... C'est pas notre truc !

Mais en contre bas, le vieux Rhin nous invite à suivre la fraîcheur de ses abords ombragés et la limpidité de son eau. C'est un parcours de pêche à la mouche catégorie 1 et nous suivons régulièrement des bans de truite... Du bonheur !

Une douce et paisible soirée au bord de l'eau pour tous les 3.

Mercredi 7/08/02 : Sasbach / Schoenau 22 km

Le gag : après avoir suivi des canaux depuis un mois, après avoir reçu tant de flotte sur la tête.... on manque d'eau !

Il faut dire que les abords du grand canal d'Alsace c'est le désert humain ! Deux jours que nous n'avons pas croisé âme qui vive ! Hier, nous avons dû faire le siège devant une centrale électrique jusqu'à ce que quelqu'un veuille bien venir nous remplir nos gourdes.

Alors, nous poussons jusqu'à Schoenau avec l'intention de nous offrir une nuit au camping et surtout une bonne douche, mais nous ne sommes pas les bienvenus avec notre âne et nous passons la nuit dans un bout de pré au bord de la route.

Alain se fout des voitures qui ralentissent pour nous observer... on a fait le plein d'eau et il est donc sûr d'avoir ses deux cafés réglementaires demain matin... Il peut dormir tranquille !

Jeudi 8/08/02 : Schoenau / Friesenheim 18 km

Notre itinéraire retrouve le canal du Rhône au Rhin et suit une piste cyclable entourés de vénérables marronniers qui déjà perdent leurs feuilles. C'est vrai que l'été s'écoule ! Les jours raccourcissent déjà sensiblement ! Nous sommes partit très tard dans la saison cette année... Alain sort d’une période bien difficile et d’un séjour en hôpital psychiatrique...

Nous dormons dans un pré que des paysans nous prêtent. Il sont très gentils, mais ont un seul défaut : ils élèvent des cochons... j'vous dis pas l'odeur !

Vendredi 9/08/02 : Friesenheim / Eschau 29 km

Mes parents ont eu l'excellente idée de nous offrir 2 jours de halte dans un gîte avant la traversée de Strasbourg. Non sans mal au mois d'Août, le long du canal. Merci a eux !

Si la journée s'est déroulée paisiblement malgré le rythme soutenu pour être à bon port ce soir, les 11 derniers km se passent sous un terrible orage... je crois n'avoir jamais reçu autant d'eau en une seule fois, je suis même sûre que ma douche n'a pas un aussi gros débit!

Pliés en deux nous avançons bravement à la rencontre d'un lit sec pour la nuit et Alain m'épate une fois encore par sa bravoure.

Nous laissons Jumbo dans un box à 500 m du gîte... et allons vider littéralement l'eau qui s'est infiltrée dans nos sacoches !

Samedi matin est consacré au lavage de notre matériel et l'après midi à faire plaisir au fiston : bus, tram, Mac Do, re-bus, re-tram...

Dimanche, mon père est venu nous retrouver et nous invite dans un super resto, ensuite balade en bateau autour de la petite Venise qu'est Strasbourg.

Alain, qui est heureux de monter enfin sur un des bateaux que nous saluons à longueur de journée depuis un mois, est pris d'une super trouille au passage des deux écluses et nous ne sommes pas trop de deux pour l'empêcher de paniquer !

 

Lundi 12/08/02 : Eschau / Brumath 14 km

Jumbo est super heureux de repartir. S'il a été bichonné par les charmantes demoiselles propriétaires de ses voisins, s'il s'est reposé à souhait, il ne se plaît pas du tout enfermé !

Il pleut ! Encore ! Toujours !

Laëtitia, responsable des écuries nous propose de nous conduire en van.

Ok, mais je tiens à être déposée avant le parlement européen, je me suis promise de faire une photo de nous devant le palais européen des droits de l'homme... et de l'envoyer à notre retour à nos élus pour témoigner de notre situation !

Ensuite, classique et longue sortie de ville.. et découverte du canal de la Marne au Rhin qui ressemble beaucoup au canal du Rhône au Rhin, et que nous devrions suivre sur 181 km et 67 écluses...

Mardi 13 / 8 : Brumath / Dettwiller 22 km

Nous avons dormi à l'orée d'une forêt de chênes où le bois empilé semble avoir été disposé pour nous servir de halte pique nique et nous isoler de la gadoue provoquée par le travail de labour des apparemment nombreux sangliers du secteur. Mais la présence de Jumbo a dû les convaincre d'aller glaner leurs racines ailleurs… ils n'ont pas l'air d'être passés par-là cette nuit !

Mardi 13 / 8 : Brumath / Dettwiller 22 km

Notre premier contact avec le canal ce matin est des plus sinistres : un jeune chevreuil s'est noyé et sa dépouille toute gonflée est ballottée au rythme des éclusages.

Le vent qui s'est levé, balaie les nuages et la casquette d'Alain qui me fait un blocage… version autiste !

Mais comment la rattraper ? Elle a glissé en bas du talus recouvert d'un espèce d'enrobé et la pente est beaucoup trop raide pour que je puisse m'y aventurer sans prise pour m'accrocher d'autant plus qu'en bas, un épais tapis d'orties attend mes cuisses....

Un cycliste nous sauve la mise en faisant glisser son vélo le long de la pente en guise de rampe.

Alain frappe des mains, saute sur place et semble accomplir je ne sais quel rite de remerciement, mais en tout cas, il exulte… casquette en main !

Plus loin, nous demandons de l'eau à une écluse et un p'tit bout de femme nous remplit nos gourdes d'eau et de glaçons. Sympa ! Mais à l'heure de la pause, il manque une gourde…décidément, le matériel se révolte aujourd'hui ! Nous repartons en arrière sur 4 km, mais sans succès !

Alain remonte en pression de peur de n'avoir assez d'eau pour assurer ses indispensables cafés ! Et, une fois de plus, les membres des Voies Navigables de France vont faire preuve d'une grande solidarité, se passant le mot : " Recherche gourde désespérément "

Nous passons la nuit dans le jardin de l'écluse 38 où l'on nous offre sandwichs, tomates, œufs durs et mirabelles !

Mercredi 14 / 8 : Dettwiller / Arzviller 27 km

Il fait chaud et nous n'avons plus l'habitude ! Mais bon, on peut pas tout avoir : où il fait un temps pourri et les pauses sont pour le moins inconfortables, mais la marche aisée… où il fait beau et les nuits sont douces, mais la marche pénible.

Notre départ à 8 heures ce matin est déjà beaucoup trop tardif, nous avons manqué les 2 meilleures heures de marche. Mais faire décoller le fiston le matin… c'est pas une sinécure!

La providence a décidément fait le choix de s'incarner dans les Voies Navigables de France depuis quelques temps : nous avions prévu de racheter une gourde à Saverne, mais la quincaillerie est fermée pour cause de vacances, alors faisant contre mauvaise fortune, bon cœur, nous pensions nous débrouiller avec des bouteilles d'eau minérale. Mais à l'écluse, le téléphone lorrain a fonctionné et un jeune homme nous indique non seulement une association qui possède des ânes pour notre halte de ce soir, mais va même jusqu'à nous proposer de faire le tour des supermarchés du coin après son service pour tenter de trouver une gourde et nous l'apporter ce soir en cas de succès !

Rien de tel que ce genre de démonstration de solidarité pour nous redonner des jambes et atténuer les brûlures du soleil ! Et la pancarte d'information historique relativise plus encore nos efforts en expliquant qu'au début du siècle, les péniches étaient tirées en " halage à col d'homme " qui habillés d'une bricole faisaient glisser des charges de 120 tonnes à 2 ou 3 personnes et sur 20 à 25 km par jour… Alors, on va quand même pas se plaindre des biens relatives charges que son nos sacs à dos (7 kg pour Alain, 12 pour le mien) !

Sydney nous accueille chaleureusement et notre livreur nous apporte la gourde tant attendue par notre accro à la caféine !

Nous décidons de rester demain et de faire plus ample connaissance après une bonne nuit de sommeil… on en a plein les pattes pour ce soir !

L'association " Vivre Lorraine ", dont Sydney est animateur, s'occupe de personnes en difficultés sociales à travers la réhabilitation d'un tronçon de 4 km de l'ancien canal qui comptait 17 écluses et demandait une journée de navigation. Il a été abandonné lors de la mise en service de l'ascenseur à bateau du plan incliné d'Arzviller qui permet d'effectuer le trajet en 4 mn !

4 ânes et 1 chèvre font une place à Jumbo et je profite de la halte pour lui faire poser des chaussures neuves. Le goudron des pistes cyclables alsacienne a été fatal à ses fers qui n'ont pourtant que 450 km comparé aux 600 km qu'avait durée sa ferrure pour notre rando en Bretagne.

Marie nous accompagne faire des courses à Lutzelbourg.

Sydney part faire une livraison en Alsace et propose qu'Alain l'accompagne… Je vous dis pas le bonheur du fiston de partir faire un tour en camionnette… et le mien d'avoir 3 heures seules !

Vital qui arrive du Danemark pour quelques vacances dans le Jura, fait le détour pour nous offrir une journée touristique : resto, tour en voiture en forêt vosgienne et superbe panorama à Dabo où Alain refuse de nous suivre tout en haut de la tour et préfère s'asseoir sur les marches à mi-chemin pour nous attendre.

Lui qui pendant longtemps pouvait se mettre en danger par inconscience de la notion de risque… il est devenu un sacré pétochard !

Balade le long de l'ancien canal et des tonnes d'idées de projets m'assaillent… je suis complètement tombée sous le charme des lieux, de ces maisons éclusières abandonnées, de la p'tite rivière qui coule en contre-bas, du terrain que tant d'ânes pourraient entretenir… Je m'y vois déjà, réinventant " La P'tite Maison dans la Prairie ", version EST de la France !

Nous restons 4 jours, tant est douce la maison, l'ambiance !

Faut dire que même si on est pas dans le midi, il peut savoir faire si chaud certains jours qu'il ne serait pas humain de mettre un randonneur sur le chemin… et puis, le hamac est bien agréable à l'ombre et tant pis si on ne fait jamais de raid saharien !

Alors, comme on est quand même lundi, mais que le soleil persiste à nous écraser, après une p'tite sieste, Sydney et Marie nous conduit en camionnette jusqu'à Hertzing où habite Laurent, le maréchal ferrant qui nous a invité à faire halte dans la grange garçonnière qu'il s'est aménagé.

Il s'est marié samedi et il passe nous saluer avec les amis encore présents aux réjouissances.

Lundi 19 / 8 : Hertzing / Lagarde 26 km

Debout à 5 heures, je prépare tout le matériel et surtout les cafés d'Alain que j'ai suffisamment programmé hier pour qu'il se lève sans trop râler !

Nous avons bien fait de partir de bonne heure, il est doux de cheminer à la fraîche, d'assister au réveil de la nature et au lever du soleil. D'autant plus que l'astre solaire est en aussi grande forme que nous aujourd'hui !

Sieste, 2 détours de 2 km imposés par les rives du canal qui se sont effondrées et une douce soirée où seuls les moustiques jouent les troubles fêtes.

J'arrime le plus possible la tente, l'orage n'est pas loin et s'il est proportionner à la pression atmosphérique… çà va pas être triste ! Et effectivement, si Alain dort du sommeil du juste, concurrençant de ses ronflements les grondements du tonnerre… je n'ai pas fermé l'œil de la nuit et me suis relevé plusieurs fois pour surveiller le niveau du canal, influencée sans doute dans mes craintes par les récentes catastrophes des pays voisins !

Mardi 20 / 8 : Lagarde / Henamenil 13 km

Si le ciel a l'air plus paisible au matin, ce n'est que répit et les coups de fil m'informant des annonces d'avis de tempête ne sont pas pour me rassurer…

Alors, un village, un pré avec des chevaux et je vais demander asile pour la nuit.

Le monsieur nous libère gentiment un box pour Jumbo, la dame nous prépare un repas dont les tomates du jardin me réjouisse et un plat de patate qui fait tout autant plaisir à Alain.

Nous nous installons dans le couloir qui longe le box et notre bâche plastique prévue pour abriter nos affaires la nuit se révèle bien utile pour nous isoler du sol de l'écurie.

Le ciel n'a pas fait éclaté sa colère sur nous cette nuit, mais la pluie est suffisamment forte pour que j'apprécie le toit que nous avons sur la tête !

Mercredi 21 / 8 : Henamenil / Varangeville 22 km

Si le canal de la Marne au Rhin est sympathique, tout du moins dans la partie que nous empruntons, le paysage est particulièrement superbe aujourd'hui… 

Mais Alain n'a pas le loisir d'apprécier le charme des lieux… il est de nouveau très en retrait et " hante" en continu ce que je perçois plus comme un cri !

Je ne peux l'arrêter, ni tenter de le rejoindre et ne peux qu'espérer que tel un exutoire, il utilise sa voix pour évacuer une quelconque tension.

En fin de journée, il peux enfin mettre des mots sur ce qui l’à habité toute la journée : " Prendre une gifle ! Prendre une gifle ! "

Je savais qu'un jour cet épisode referai surface et qu'il ne servait rien de vouloir en reparler avec lui avant qu'il ne soit prêt. Je suis bien aise que l'occasion soit venue de lui exprimer mon regret, le travail que j'ai toujours fait pour ne jamais répondre à ses coups, mais également pour tenter de lui expliquer comme je peux parfois me sentir en danger lorsqu'il me submerge trop de ses délires.

Et lui de retenir principalement : "Avec toutes les fois où tu m'as frappé… On est quitte ! "

Ces mots l'apaisent ! Lui aurais-je offert une sorte de déculpabilisation en dédramatisant sa propre violence ?

Le retour à la civilisation est aussi brusque que fût doux le chemin, la banlieue nancéenne plus proche que je l'avais imaginé et la traversée de l'usine Solvay de Varangeville, une épreuve pour homme comme bête…

 

Mais notre brave bourri en a vu d'autres et vit beaucoup plus mal d'être attaché à un poteau pendant que nous nous allons boire un verre !

Le chemin de halage aux abords de la ville n'offre plus de lieu isolé pour nous installer cette nuit et j'opte pour un champ attenant à une vieille maison isolée. Bon choix, à leur retour, non seulement Bernard et Marie Hélène ne sont pas contrariés de notre présence, mais débouche même une bonne bouteille pour une randonneuse frustrée de vin !

Au matin, le brouillard et la pluie me coupe tout courage, je permets à Alain de se rendormir… il se fait pas prier !

Nous passons une tristounette journée de flemme dans notre minuscule abri de toile.

Vendredi 23 / 08 : Varangeville / Chaligny 21 km

Sur les conseils de Bernard et Marie Hélène, je décide de ne pas remonter sur Nancy, mais de couper à Heillecourt par l'ancien canal de la vallée de Moselle qui est fermé à la navigation depuis 1989… il est superbe ! Même si les dernières pluies ont rendues le chemin gadouilleux +++

 

Deux journalistes de L'Est Républicain nous rejoignent à Fléville pour faire un article sur notre périple.

Ensuite, nous longeons la Moselle canalisée par le canal de l'est branche sud qui est bien sympa !

Nous remplissons nos gourdes au robinet du stade de Chaligny et juste à côté un bosquet fera l'affaire pour la pause de cette nuit puisque le ciel nous prévient qu'il nous reste peu de temps pour nous installer avant… la prochaine averse !

Samedi 24 / 08 : Chaligny / Chaudeney 19 km

Belle journée de marche, et nuit aux abords de Toul dans le parc d'une société de pêche.

Dimanche 25 / 08 : Chaudeney / St Germain sur Meuse 27 km

Après Toul, nous retrouvons le canal de la Marne au Rhin que nous suivons jusqu'à Pagny sur Meuse et que nous quittons pour enfin arriver chez " La Soph "… nous poserons nos sacs quelques jours pour goûter pleinement le bonheur de l'amitié et du confort ! ! !

Samedi 31 / 08 : St Germain sur Meuse / Barisey la Côte 22 km

Jumbo a passé la semaine dans un pré occupé par 2 vaches taries en attente de vêlage et la cohabitation semble s'être bien passée, ils se quittent à regret, surtout les vaches qui ont l'air d'avoir très envie de suivre leur nouveau copain !

Les villageois avec lesquels nous avons sympathisé et festoyé nous saluent chaleureusement... eux aussi, nous les reverrons !

Nous avons prévu de rejoindre le canal à Charmes après un détours par Ambacourt chez un copain.

La route est belle et c'est sympa de faire un tour à l'intérieur du pays, même si ça implique de tenir Jumbo en longe...

Freddy, absent au moment de notre départ nous fait la douce surprise de nous rejoindre en voiture pour nous saluer.

Une journaliste de " La Liberté de l'Est " nous arrête pour un article sur notre balade.

Les kms semblent toujours plus longs lorsque nous sommes confrontés à la circulation et nous sommes bien content qu'un chouette de p'tit coin nous invite à nous arrêter dès 17 heures !

imanche 01 / 09 : Barisey la Côte / Battigny 23 km

La bise est bien froide ce matin, mais au moins, elle tient les nuages à distance ! ! !

A l'entrée de Colombey les Belles, une piste de karting au ras de la route nous bloque du bruit infernal de ses moteurs. Je suis prête à offrir le temps à Jumbo de s'habituer car je sais qu'il finirait par passer, mais Alain ne peut supporter la puissance des décibels : " Trop de bruit ! trop de bruit ! " .

Alors, nous ferons un détours, d'autant plus qu'un concours de cross en tracteur un peu plus loin promet également de vacarme... Et puis, la petite route que nous empruntons est charmante et plus paisible. Mais il est dit que la mécanique nous poursuivrait aujourd'hui... nous nous retrouvons sur le parcours d'un rallye ! Comme les moteurs sont tout de même moins bruyants que ceux des karts et les passages beaucoup moins fréquents... Alain peut tout à loisir regarder passer les voitures "aux belles couleurs "...

Le vent s'est renforcé au cours de la journée et nous devons terminer notre repas du soir à l'intérieur de la tente malgré tee-shirt, sweet et veste polaire... Il va tout de même pas se mettre à geler avant notre retour ? Et il me revient le souvenir enfant d'une giboulée de neige un jour de rentrée des classes... Mais l'été à été si pourri que l'automne ne peut être qu'indien ! ! !

Lundi 02 / 09 : Battigny / Ambacourt 29 km

Au royaume de la mirabelle, Jumbo est le bouffon de service et moi, une misérable palfrenière... il s'est roulé dans les fruits trop mûrs tombés des arbres et le sucre s'est cristallisé dans ses poils... je vous raconte pas la séance brossage !

Alain assure grave malgré les fortes montées et descentes des contreforts du mont Sion, qui sont très éprouvantes pour sa jambe et c'est à son seul courage qu'il doit qu'à chaque randonnée, l'atrophie de son membre diminue !

Mais tous, nous sommes crevés à l'arrivée chez Jean ce soir... Jumbo a bien mérité le pré d'herbe tendre qui l'accueille et nous le bon lit !

Nous resterons quelques jours dans la région pour voir les amis d'Epinal et les parents de Soph qui sont d'une merveilleuse gentillesse avec nous et que nous aimons tendrement.

Ensuite, nous retournerons chez notre amie Sophie samedi en voiture avec Jean pour l'anniversaire de son mari Vincent. Et comme une soixantaine de personnes sont prévues... il nous faudra bien quelques jours pour nous remettre et donc, redémarrage... + tard !

 

Mercredi 11 / 09 : Ambacourt / Ounans

Il n'eut pas de redémarrage, mais " rentrer maison " !

Bilan :

 

Jumbo :

S'il n'était pas l'âne du fiston, nous l'achèterions !

Il a juste ce qu'il faut de caractère pour être un réel compagnon de route et pas seulement un porte bagage. Et surtout, il prend autant de plaisir que nous à randonnée, d'autant plus que sa morphologie d'âne de Provence lui permet de porter aisément les charges. Nous pourrions d'ailleurs nous abstenir du poids de nos sacs à dos si nous avions des sacoches adaptées en volume... Avis aux sponsors !

 

Alain :

Je suis fier de lui !

Même si la randonnée n'est pas magique et que son accompagnement reste très lourd à gérer au quotidien, il n'est jamais aussi bien qu'en randonnée. S'il n'a pas vraiment fait plus de choses qu'au cours de notre randonnée en Bretagne, il a été plus présent, ses progrès ne sont pas tellement dans le "faire", mais dans l' "être" !

 

Moi :

S'il est clair que le coup de froid qui a précipité notre retour et que la bronchite qui a ensuite squattée mes bronches de fumeur, n'est que le reflet de ma fatigue, je veux trouver, encore, l'énergie de reprendre le combat pour qu'enfin une place adaptée soit offerte à mon fils...


Aussi beau que soit notre cheminement, il serait grand temps que nos routes se séparent et que je puisse le réinviter à d'autres balades, qui ne seraient plus que vacances et non épisodes d'une vie condamnée à être commune...

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